Depuis une trentaine d’années, les politiques économiques et fiscales ont permis aux patrimoines de se reconstituer. Ils atteignent aujourd’hui des niveaux équivalents à ceux du début du 20e siècle.
L’écart entre les possessions des plus riches et des plus pauvres n’avait pas été aussi gigantesque depuis un siècle. Ce fossé grandit chaque année. Le mécanisme semble inexorable.
Ce constat révèle deux éléments concernant la politique fiscale :
Les droits de successions et de donations n’ont pas cessé d’être rabotés ces dernières décennies à tel point qu’on peut considérer que les familles très fortunées ont renoué avec leurs privilèges d’avant la première guerre mondiale.
C’est le principe même d’égalité en droits des citoyens à la naissance qui est remise en cause par ces privilèges ; car contrairement à ce qu’on entend souvent, les droits de successions ou de donations ne sont pas des impôts qui touchent celui qui a travaillé toute sa vie pour se constituer un patrimoine.
Tout d’abord parce que les plus gros patrimoines ne sont pas issus du travail, mais de la rente, de la spéculation et de l’héritage, ensuite parce que ce n’est pas la personne décédée qui règle les droits de succession, mais celle qui ’est née au sein d’une famille fortunée.
Ainsi, un enfant peut recevoir 31.865 € de chacun de ses parents, grands-parents et arrière-grands-parents en sommes d’argent, soit au total 446.110 € d’argent de poche et ce jackpot peut être touché tous les quinze ans.
Mais ce n’est pas finit : à cela s’ajoute la possibilité de recevoir de chacun de ses parents 100.000€ (en argent, biens ou titres) sans rien avoir à payer soit 200.000 € de plus,
Mais ce n’est pas finit, à cela s’ajoute la possibilité de recevoir 31.865 € (encore !) de chacun de ses grands parents soit 127.860 € de plus,
Mais ce n’est pas finit, il peut aussi recevoir, toujours sans rien devoir, 5.310 € de chacun de ses arrière-grands-parents soit 42.480 €,
Ainsi, une personne peut recevoir 916.450 € sans devoir payer le moindre impôt.
Il ne s’agit pas d’un exemple caricatural, d’abord parce qu’il ne prend pas en compte toutes les possibilités d’abattements, ensuite parce que les sociologues et les économistes ont démontré que les patrimoines se renforcent de génération en génération, ainsi, si vos parents sont riches, il y a de fortes probabilités que vos grands-parents, oncles et tantes le soient aussi.
Il faut donc évidemment imposer d’avantage les plus gros patrimoines. Il ne s’agit pas d’être confiscatoire, la marge est énorme,mais simplement d’exiger des héritiers qu’ils participent au pot commun, les fortunes ne se créent pas sur une ile déserte !
Une imposition ambitieuse des patrimoines n’empêcherait pas l’immense majorité de transmettre à ses enfants le peu de biens engrangés durant sa vie de travail.
Ceux qui souhaitent se débarrasser de l’ISF (Impôt de solidarité sur la fortune) au prétexte de taxer les revenus du patrimoine plutôt que le patrimoine lui même ne vont pas jusqu’à réclamer une augmentation de l’imposition de la rente. Il faut effectivement taxer davantage les revenus du patrimoine, car même si aujourd’hui leurs taux d’impositions sont alignés sur ceux des revenus du travail, il existe encore de multiples dispositifs permettant à la rente d’échapper à l’imposition.
Mais, il faut aussi impérativement taxer le patrimoine lui même. Le risque sinon est de favoriser fiscalement le patrimoine improductif.
Bien qu’il faille d’avantage taxer les revenus du patrimoine, il est donc tout aussi primordial de maintenir et renforcer l’ISF.
Il est essentiel de mieux taxer les revenus du patrimoine. Il est tout aussi primordial de renforcer l’ISF (Impôt de solidarité sur la fortune) pour plus de justice sociale et plus d’efficacité économique.
En effet, la concentration des richesses s’accentue d’année en année ; le patrimoine des 1 % les plus riches du monde dépasse aujourd’hui celui des 99 %. La concentration des richesses s’aggrave, et cette aggravation s’accélère.
Bien sûr, la fiscalité ne peut pas tout, mais elle peut être un outil de correction.
Dans ce contexte, l’ISF devrait être renforcé, pour inciter à plus d’investissements productifs et permettre une meilleure répartition des richesses, or voici aujourd’hui les taux d’imposition :
Patrimoine | Taux |
---|---|
de 800 000 à 1 300 000 € | 0,50 % |
de 1 300 000 € à 2 570 000 € | 0,70 % |
de 2 570 000 € à 5 000 000 € | 1 % |
de 5 000 000 € à 10 000 000 € | 1,25 % |
plus de 10 000 000 € | 1,50 % |
Et, c’est sans compter la décote, les exonérations, et le plafonnement... Nous sommes bien loin d’un système permettant d’atténuer le mouvement décrit ci-dessus.
Cette évolution est positive mais il faut faire beaucoup plus. Augmenter l’ISF est nécessaire pour inciter à plus d’investissements productifs et permettre une meilleure répartition des richesses.
Tout d’abord, différentes études convergent pour conclure que la fiscalité n’est pas un motif principal pour quitter son pays. C’est d’ailleurs rassurant, le motif fiscal est assez marginal et arrive très loin derrière les raisons familiales, professionnelles ou la qualité de vie du pays. Un seul chiffre, 8 % des millionnaires dans le monde habitent en France, derrière les États-Unis et le Japon et loin devant les autres pays européens. Un quart de millionnaires européens vit en France.
Et pour cause ! Car, même en ne prenant en compte que la fiscalité, notre pays est loin d’être un enfer fiscal pour les riches. Ainsi, la fiscalité sur le patrimoine, (et singulièrement l’ISF) est souvent présentée comme une anomalie française, un "bidule" folklorique qui effraierait les riches étrangers.
Or, la quasi-totalité des pays disposent d’une fiscalité sur le patrimoine et de mécanismes visant le même objectif que l’ISF. Ainsi, la fiscalité sur le patrimoine représentait en 2013 12 % des recettes fiscales du Royaume Unis, 11 % aux Etats-Unis et... 8 % en France, qui est régulièrement classée par Eurostat derrière le Royaume-Unis pour le taux de taxation du patrimoine. Il est vrai qu’outre Manche ils ne l’appellent pas ISF mais "property taxes" (impôt foncier) ce qui fait sans doute plus moderne.
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